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François Rastoll à voulu en savoir plus sur « RéfleXion »

Que voulez-vous nous dire avec ce titre « RéfleXion » ?

Ce titre « RefleXion » a un double sens sur lequel je me suis appuyé pour m’interroger une nouvelle fois (la dernière ?) sur la véracité d’une image.

Je dis une nouvelle fois car c’est une question que je me suis posée tout au long de ma carrière de grand reporter TV qui a duré 40 ans sur les terrains les plus divers et parfois très rudes : mes images peuvent-elles livrer une perception fidèle de la réalité et de quelle réalité ? C’est donc le premier sens de ce titre « RéfleXion », notre disposition à réfléchir, à s’interroger, à trier nos pensées et à se confronter à nous-mêmes face à un miroir mental un peu comme l’objet photographique qui se réfléchit dans les divers réflecteurs de la ville que l’on découvre dans cette série. C’est le deuxième sens plus flagrant de « RéfleXion » : le miroitement, le reflet, la… réflexion d’un sujet quelconque offrant une lecture qui peut alors nous questionner sur la fidélité d’une image.

Cette série est un prétexte dans ce moment charnière de ma vie professionnelle et personnelle où j’abandonne mon passé de journaliste objectif confronté aux fracas du monde pour me projeter vers un futur plus inventif et subjectif où la question de la « vérité » d’une image se pose différemment.

Vous avez choisi le noir et blanc pour cette série, pourquoi ?

Dans cette introspection personnelle sur mon passé, le noir et blanc me paraissait plus juste pour m’en détacher et abandonner ces années qui s’éteignent lentement. Je ne les vois plus en couleur, elles ont été riches et passionnantes d’un bout à l’autre mais elles s’évaporent en noir et blanc…

9 x 9 = 81 à quoi correspond ce chiffre pour vous ?

Même si je ne suis pas un mordu de numérologie, j’aime m’attacher parfois aux chiffres : 9 multiple de 3 symbolise le renouveau et l’ouverture d’esprit, 3 représente l’équilibre et l’expression de soi, tout ce dont j’ai besoin dans cet « entre-deux » entre mon passé et mon avenir.

Je tenais donc à présenter cette première série par « nonuptyques », mot que j’ai inventé pour nommer ces carrés composés de 9 photographies et je souhaitais présenter 9 nonuptyques différents, 9 histoires distinctes. Effectivement 9 x 9 = 81 qui correspond à l’année 1981 et à mes débuts de reporter en télévision. Je voulais boucler cette boucle avant de me lancer pleinement vers mon nouvel horizon d’auteur-photographe.

La RefleXion que vous nous proposez se situe dans la rue, est-il plus facile pour vous de traiter de ce sujet dans le monde urbain ?

J’aurais pu le traiter ailleurs et autrement, sur un terrain d’actualité par exemple et avec cette nouvelle approche plus créative, plus artistique que je recherche aujourd’hui. Mais la rue est aussi un terrain d’actualité intéressant, celle du quotidien et de l’inattendu, c’est un espace familier pour mon « savoir-faire » où je peux rapidement retrouver mes réflexes de reporter-cameraman et c’est aussi un terrain où je peux commencer à me projeter comme auteur.

Toujours cet « entre-deux » finalement plus inventif et fertile que je ne pouvais l’imaginer au départ.

Ce qui est certain est que je voulais rester candide comme un street-photographer, tout en gardant la rapidité d’observation et d’exécution du reporter pour « shooter » avec beaucoup de spontanéité sans être sous la pression de la technique ou des millions de pixels si souvent recherchés. Dans cette démarche l’outil m’importait peu, « RéfleXion » est réalisée avec différents boitiers qui vont du smartphone au Leica M10, je recherchais avant tout à être rapide et sincère, à trouver des angles de prises de vues incertains, j’aime cette idée que l’imperfection peut nous amener à une autre lecture peut-être plus… juste.

Imaginez-vous une suite à ce travail ?

Non, il n’y aura pas de suite à ce travail qui traite de mon interrogation du moment, cette période de ma vie se terminera précisément avec cette exposition. Je continuerai en revanche la street-photography et à travailler sur ce principe autour des multiples de 3… La trilogie au sens théâtral du mot me semble parfaitement adaptée à la photographie. Comme le format carré que j’apprécie de plus en plus pour la rigueur qu’il impose, il me donne des envies de moyens-formats à explorer.